Par Pierre-Yves Teycheney
Bon, revenons plus de 20 ans en arrière, à l’époque où je préparais les championnats d’Australie d’aviron. Une psychologue du sport suivait mon goupe, sous la houlette de notre coachBob Bleakeley, mythe vivant de l’aviron australien. Robuste basketteuse fraîchement recyclée dans la psyché sportive, elle nous initiait aux techniques de relaxation. Ses recettes fonctionnent toujours : mains au dessus du pubis, respiration régulière, je visualise une fenêtre ouverte et son mince voilage qui bouge au gré du vent au rythme de ma respiration. Je me relâche, évacue les images qui défilent à toute allure dans ma tête pour ne conserver que celle de ces gracieux voilages. Et mes yeux restent ouverts 10 minutes, 20 minutes, 30 minutes. C’est râpé. Je me lève et sors sur la terrasse dans mon costume de naissance (« birthday suit », une expression américaine qui m’enchante) et observe ébahi le spectacle d’un ciel dégagé endiamanté d’étoiles, les lumières qui hommes qui scintillent dans la vallée, le lac qui brille sombrement et le contour des montagnes que l’on devine dans l’obscurité. Un grillon stridule faiblement tandis que de loin monte le chant de la Durance impétueuse. Le froid pique la peau et finit de me réveiller complètement. Plus qu’une solution : poursuivre ma relecture des œuvres complètes d’Hergé. Tintin et Astérix ont nourri mon enfance, mais j’ai choisi mon camp, celui des tintinophiles. Cette nuit, j’embarque de nouveau pour les Andes et le temple du soleil. Puis il est cinq heures et demies, et je me rendors.
Réveil difficile, comme un lendemain de fête sans la fête. Gainage, ablutions, deux biscuits avalés et je file essayer ma nouvelle combi dans les eaux désormais bien éclairées du lac. Il fait un soleil radieux, l’eau est fraîche, la combi sensationnelle. J’avale mon petit déj chez les Renesson Philippon (mélange de müesli, graines de courge et de tournesol, raisins secs, cranberries, pêche fraîche, yaourt et jus de fruit) et je rentre à la maison après un détour par la course du jour (Grand prix FFTRI de duathlon: chez les femmes, la tornade Sandra Levenez a atomisé la concurrence) et le marché où je fais le plein de fruits. Le Gwadloup Team s’agrandit, puisque Sylvain est justement en train de débarquer ses affaires lorsque j’arrive. Il part rouler puis nager, pendant que je rattrape mon sommeil en retard grâce à une sieste monumentale d’une heure et demie. Le jour décline sur les montagnes et sur le lac, tout est calme, le monde tourne paisiblement pendant qu’ailleurs on se déchire. Je suis dans ma bulle, égoïste, pas tout à fait absent mais déjà plus tout à fait présent non plus.